(Mauvais) esprit de Noël

Bonjour, ce sont les vacances (encore ??!!), je t’assure qu’elles sont bienvenues. Aujourd’hui, je reviens avec un texte créé dans le cadre d’un défi de 30 jours proposé par le blog de Kea Ring autour de la thématique de Noël. C’est une idée très chouette et sympa (il reste encore des jours si tu veux y participer) et comme d’habitude, je suis toujours très emballée (comme un cadeau hihi) mais je me retrouve toujours à la traîn(eau) faute de temps ! Alors, voici ma contribution au défi 4 ou 5 (LOL) où il fallait écrire un texte libre en insérant les mots : houx – philosophefolkloresaison proverbeurgent – carotte. Dis-moi en commentaire ce que tu en penses, et n’oublie pas, si tu ne sais pas quoi offrir à Noël et que tu as envie de soutenir une auteurice en mal de reconnaissance (de blé), mon recueil est toujours en vente partout et ici ! Si tu n’es pas convaincu par ma pauvre harangue, voici un commentaire d’un inconnu sur Babelio (s’il se reconnait ici, qu’il parle ou se taise à jamais) qui t’aidera peut-être à franchir le cap ! Belle lecture quand même et joyeux Noël !

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Pierrot Rabbit détestait  Noël. Il avait cette saison en horreur : folklore de faux décors, festival de guirlandes, films à la gui-violette, pulls kitsch et Pères Noëls au kirsch. Très peu pour lui ! À peine le calendrier de l’avent ouvrait sa première fenêtre, qu’il fermait la sienne ! Il enfonçait sa mauvaise humeur derrière ses volets qu’il ne rouvrait qu’au premier janvier, lorsque les sols commençaient à geler et les saoulards à désaouler. Dans son jardin, poussaient à cette période, comme des « Amanites Tue-Louches », des panneaux aux messages on ne peut plus clair : « Houx-ste ! » « C’est le lutin final ! » « Pas de Oh oh oh ici, je ne Ah ah ah pas ! ».

Car Pierrot Rabbit était un philosophe ! Un vrai de vrai ! Pas de ceux qui se prétendaient Descartes et qui passaient leur temps à jouer au poker ! Ni de ces spécialistes de Kant qui tenaient plus du Kanterbrau que de ce dernier ! Un vrai philosophe, le Sénèque plus ultra de la philosophie. Et comme chaque année à cette période où tous les humains semblaient avoir troqué leur âme au diable pour des lutins, il allait pouvoir se mettre à relire un classique des grands de ce monde ! Le Capital, de Marx ! Pierrot Rabbit s’en frottait les mains d’avance, tout un mois de plaisir, seul, dans sa maison, avec pour seule compagnie…

TOC TOC TOC !

Pierrot en fit tomber son livre.

AOUTCH !

Sur le pied, ça fait mal, il en avait des choses à dire sur le Capital, Karl.

TOC TOC TOC TOC !

Pierrot frémit. Qui osait le déranger ainsi ? Un premier décembre ! Quelqu’un qui ne savait pas lire visiblement ! Il se leva sans bruit et se rapprocha de la fenêtre d’où il pouvait espionner, à travers un interstice savamment placé, le culotté qui se permettait de le déranger lui, Pierrot Rabbit, lui, qui avait rendez-vous avec l’incroyable, l’insatiable…

Horreur ! Sur le perron, se tenait un monstre à deux jambes et deux bras, qu’il crut reconnaitre comme étant le fils de la voisine. Pierrot Rabbit se figea. S’il ne bougeait pas, cet être sans savoir-vivre ou savoir-lire s’en irait comme il était venu. Alors Pierrot pourrait se plonger corps et âme, coups et larmes dans le Capital !

TOC TOC TOC TOC TOC !

C’est qu’il insistait le malavisé ! Pierrot Rabbit se précipita vers le placard du salon et en extirpa un… balai. Alors que le garnement allait se remettre à toquer, Pierrot Rabbit ouvrit la porte à la volée.

— Elle marche pas votre sonnette, déclara l’enfant sans sourciller devant l’arme à frange de son hôte.

— Tu t’es pas dit qu’il y avait une raison ?

— Oui, il y a toujours une raison, maman dit ça, sauf quand il n’y en a pas, elle ajoute aussi. Par exemple, vous avez ptet pas relié le circuit électrique. Ou alors, vous avez coupé l’alimentation en électricité. Ou alors…

— Ou alors, que diable fais-tu là, coupa Pierrot Rabbit qui n’avait pas envie d’expliquer à un enfant pourquoi il avait sciemment coupé la sonnette pour être tranquille tout le mois de décembre, chose que ledit enfant aurait dû comprendre s’il savait LIRE les panneaux.

— Il fait sombre chez vous, intervint le jeune garçon en entrant dans le salon. C’est ma mère qui m’envoie. Elle me lâchera pas tant que j’ai pas une signature de vous.

— Une… signature ?

— Oui, je dois vendre des chocolats pour Noël à l’école. Mais moi, je déteste faire ça. Ma mère, elle pense que je suis timide, et que j’ai des problèmes pour me faire des relations amicales. Donc, elle fait plein de trucs pour que je « développe mes compétences psychosociales », ajouta l’enfant en couronnant ses propos de guillemets.

— Et qu’est-ce que je viens faire dans tes compétences psycho-sociales ?

— Vous devez signer un papier comme quoi je suis venu vous demander d’acheter des chocolats, ce que vous avez gentiment refusé.

— Mais… je n’en veux point de tes chocolats !

— Je sais ! J’en ai même pas amené. Je veux juste un mot pour que ma mère me fiche la paix, qu’elle soit heureuse quoi. Ma mère elle comprend pas qu’en fait, à l’école, je suis pas timide, c’est juste que moi, j’aime lire. Mais apparemment, c’est un problème pour les enfants, de préférer lire des histoires plutôt que d’en créer.

— Oui, hum, enfin, les adultes aussi, c’est…

— Vous lisez quoi d’ailleurs ? demanda le garçon en regardant le Capital.

— Une œuvre de… Karl… une grande œuvre, marmotta Pierrot Rabbit, sentant son agacement revenir lentement à la surface, en se rappelant qu’il aurait dû déjà à cette même heure-ci, être en pleine immersion marxiste.

— Elle parle de quoi cette « grande œuvre » ?

Ces guillemets encore.

— T’es bien trop petit pour y comprendre quelque chose, il faut une certaine sagesse, et une maturité avérée pour entrer dans la pensée éclairée et éclairante de Marx.

— Vous parlez de lui comme si c’était un lampadaire.

— Que… Comment ? balbutia Pierrot Rabbit, outré de cette comparaison. Qu’est-ce qu’ils vous apprennent à vous autres à l’école pour assimiler Marx à un… un candélabre ! Générations de canc…

— Et c’est bien ? interrompit le garçon, nullement affecté par les suspicions de son hôte.

— C’est bien, c’est bien ? On n’est pas sur Fletnix ou que sais-je encore mon garçon, on ne peut pas résumer la pensée d’un si grand homme en si peu de mots !

— En tout cas, c’est un sacré pavé, peut-être même encore plus que le Seigneur des Anneaux !

— Le quoi ? Belle du Seigneur tu veux dire ? ne put s’empêcher de demander Pierrot Rabbit.

— Vous connaissez pas Tolkien !? Frodon, la Terre du Milieu… Mais vous vivez dans une grotte ou quoi ? Va falloir arranger ça très vite, c’est très urgent !

—  Mais enfin, j’ai pas le temps pour toutes ces fadaises moi ! Je lis de la grande littérature, de l’éminence linguistique, de la prouesse intellectuelle ! s’écria Pierrot Rabbit, piqué au vif en brandissant le livre de Karl Marx. Lui, dans une grotte, sottises !

— « Le monde a changé. Je le vois dans l’eau. Je le ressens dans la terre. Je le sens dans l’air. Beaucoup de ce qui a existé jadis est perdu. Car aucun de ceux qui vivent aujourd’hui ne s’en souviennent ». 

— Qu’est-ce que tu dis ?

« Un anneau pour les gouverner tous. Un anneau pour les trouver. Un anneau pour les amener tous et dans les ténèbres les lier. »

— Mais, c’est… c’est le Capital ! s’exclama Pierrot Rabbit, foudroyé par tant de justesse, fourchu devant la justice.

— Le Seigneur des Anneaux.

— Et, et… on le trouve où ce Frodon ?

— Je peux vous le prêter si vous voulez… si vous signez mon papier. Ça sera votre carotte !

— Ma… carotte ?

— Dites, je pourrai venir chez vous lire le Capital ? Ce serait un beau cadeau de Noël pour ma mère quoi.

— Que tu lises le Capital ?

— Que j’aie enfin un ami.

Pierrot Rabbit n’en crut pas ses deux oreilles. La première, lorsqu’il entendit cette question saugrenue. La deuxième, lorsqu’il se vit répondre, avec un sourire, un « pourquoi pas » tout aussi saugrenu.  

Il en refit tomber le pauvre Karl Marx, qu’il évita de justesse cette fois.

« On apprend aussi longtemps qu’on vit » fut le seul proverbe, allemand, qui lui vint aussitôt en tête.

Alors, cette lecture, « capitale » pour toi ? Pour suivre les actus, c’est là !

9 réflexions sur “(Mauvais) esprit de Noël

  1. Joli conte de Noël, qui réunit deux asociaux et qui rappelle que la littérature, c’est comme la musique, il n’y a pas de grande et petite (le fameux bonne et mauvaise en musique), et que l’on peut apprécier des choses très différentes.

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  2. Bon jour Sabrina,
    Deux mondes différents qui se rejoignent … un miracle de Noël ? 🙂
    En tout cas une histoire bien menée de bout en bout, j’ai adoré. 🙂
    Note : Il y a vraiment un lien entre les citations « Les Seigneurs des Anneaux » et « Le Capital » ? ( Je n’ai lu aucun des deux).
    Bonne soirée à toi 🙂 et Bon Noël à venir 🙂
    Max-Louis

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    1. Eh oui, Max-Louis, même en vieillissant, on peut croire à la magie de Noël. Merci pour ton compliment. Je n’ai lu aucun des deux non plus, même si Le capital est sur ma liseuse, et que j’ai vu la trilogie sur grand écran… Figure-toi que c’est parti pour rire et qu’en fouillant sur internet, j’ai trouvé un critique essayiste qui en faisait le rapprochement, notamment par le symbole de l’anneau ! L’interprétation
      reste ouverte bien entendu 😉 Belle journée à toi, Sabrina.

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