Comme promis dans ma publication dimanche dernier, j’essaie de me remettre sérieusement (à comprendre régulièrement) à l’écriture sur ce blog. Aujourd’hui, je livre 2 anciennes histoires aux tons diamétralement opposés, mais qui pourtant finissent toujours par revenir à un thème (un poil) récurrent dans mon écriture : les animaux ! L’un était inspiré par une consigne du blog Entre2lettres où il fallait employer le maximum d’expressions tout droit sorties du bestiaire, et l’autre de l’atelier L’inventoire de chez Aleph Ecriture (dont je ne me rappelle guère la consigne). Bonne soirée, et bonne lecture. N’hésitez pas à comparer, commenter, partager cet article ! Bonne semaine à vous.
1.Drôle de zèbre
Elle avait des fourmis dans les jambes. Elle sauta dans sa coccinelle et fila comme un zèbre. Encore un nouveau dos d’âne ! bougonna-t-elle. Elle ne savait plus qui lui avait mis la puce à l’oreille, ni s’il y avait de quoi fouetter un chat mais il y avait quelque chose qui la turlupinait depuis qu’elle était partie…
Quelle mémoire de poisson rouge, maugréa-t-elle en se regardant dans le rétroviseur, ça ne lui revenait pas… L’âge, sans doute. Dire qu’avant, elle était capable de réciter toute l’encyclopédie à l’envers. On l’avait appelée Dumbo pendant toutes ses années de primaire… Pour sa mémoire d’éléphant… à moins que ce ne soit pour ses oreilles, qui étaient bien décollées à cette époque-là…
— Quel temps de chien, marmonna-t-elle, parce qu’elle n’aimait pas conduire sous la pluie et que les nuages en forme de gros moutons gris n’annonçaient rien de bon. Elle jeta un œil à son sac léopard : elle était persuadée qu’il lui manquait quelque chose, elle avait bien son porte-monnaie de singe…
Les clés de la maison !!! Non, elles étaient, bien là, suspendues au porte-clés en patte de lapin. Elle devenait chèvre.
— Ressaisis-toi, Delphine, se psalmodia-t-elle en retouchant sa coiffure, une coupe très courte depuis qu’elle ne voulait plus faire de henné. Elle avait toujours porté une crinière de lionne, même lorsqu’elle était passée dans la vie « active », enfin, « active » était quelque peu galvaudé, surtout les dernières années, elle avait été gardienne d’un refuge spécialisé en espèces menacées d’extinction. À la fin, il n’y en avait plus beaucoup eu à surveiller…
Si ce n’était pas le sac, la coiffure, ni les clés… Que diable avait-elle oublié ? Elle tournait en bourrique et sur le rond-point… Pouvait-on être une telle tête de linotte ? Sa fille Zoé lui avait parlé d’Alzheimer samedi dernier. Delphine l’avait traitée de tous les noms d’oiseaux qu’elle s’était rappelés dans l’instant. Elle avait été si fière sur le moment qu’elle aurait pu faire une roue.
— Alzheimer… Alzheimer… de quoi je me mêle, grommela-t-elle, son paon intérieur ayant perdu de sa superbe. Pour être honnête, cette querelle lui filait plutôt le cafard.
— Qu’est-ce qu’il fout celui-ci ??! s’exclama-t-elle, klaxonnant de manière un tantinet trop virulente sur la fiat Panda devant elle qui avançait comme un escargot.
Le conducteur lui fit un geste à travers la fenêtre. Sur le coup, elle ne fut pas sûre d’y voir clair, elle était myope comme une taupe, mais tout de même, on aurait dit… elle se rapprocha furieusement de la Fiat.
Plus aucun doute : un magnifique doigt se dressait au vent, de ceux qui n’inspirent pas la convivialité. C’était trop fort ! S’il pensait qu’elle ferait l’autruche, il se fourrait la patte dans l’œil ! Ce n’était pas au vieux singe qu’on apprenait à faire la grimace ! Elle klaxonna de plus belle et lui fit faire un magnifique tête-à-queue de poisson.
L’homme sortit violemment de sa fiat Panda, visiblement prêt à faire une démonstration de Kung-Fu.
— Bouge ta charrue, espèce de gros bœuf !!! hurla Delphine en sortant elle aussi de sa voiture. L’homme eut la bouche bée, laissant tomber son envie d’ « arts marsupiaux ».
Soudain, ça lui revint. Delphine avait oublié ses habits : elle était nue comme un ver !
2. La dinde
Elle entrouvrit le rideau. Le soleil s’invita sur son visage, ajoutant à son front déjà ridé, de nouvelles stries lumineuses. Elle referma le rideau. C’était trop tôt. La pendule indiquait 12h33, mais son cœur n’était pas sur le même fuseau horaire. Elle entendait à travers les fenêtres bien peu isolées le monde qui continuait à tourner. Les poubelles que l’on remplit, le bruit du couvercle qui se rabat. Les moteurs qui s’éteignent, les portes qui claquent, les enfants du midi qui crient, les chiens qui aboient, inconnu ou pas. Toute cette agitation lui filait le bourdon. Non, la nausée. Elle aurait aimé leur hurler dessus, qu’ils se taisent avec leurs poubelles, leur bonheur, leurs emmerdes, leurs enfants, leur insouciance et leurs crottes de chiens.
Elle ne pleurait plus. Des voisins avaient sonné. Le téléphone aussi. Pas vraiment planquée dans cette maison où elle avait toujours habité. Elle se trimballait dans la cuisine, son enveloppe charnelle habituée, automatisée tandis que le reste… Envolé, évaporé, évanoui. Emporté avec lui. Bonjour la nuit. Vampire au beau milieu de son quartier. Seule au cœur, seule au cœur de la société. Les factures, les cours de Pilates, les courses de pirates, les coups de théâtre, les plateaux de télé, machine bien huilée, société bien érodée.
Elle regarda la dinde sur le plan de travail. Son plat préféré. Elle l’avait décoré comme il l’aimait, ail, oignon et beaucoup de thym, beaucoup trop, mais il l’aimait comme ça.
Elle alluma le four, ouvrit la porte et au moment d’enfourner la dinde, rit. Un rire saccadé, cascadé, mais un rire tout de même.
Elle oublia tout du soleil, des voisins, du monde. Elle ne vit que son visage à lui.
La dinde, ce serait elle.
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Crédit photo Image par Brian Cragun de Pixabay
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