De retour ici enfin après des semaines si mouvementées qu’il m’était difficile de revenir lire et écrire sur ce blog. Conséquence : j’ai refondé le site pour qu’il soit plus clair et lisible et… j’ai manqué à nouveau le délai de remise pour l’agenda ironique de septembre hébergé par Mijo ! Qu’à cela ne tienne, j’avais tout de même écrit un petit quelque chose que je vous livre aujourd’hui ! Prochain article dimanche prochain, avec des news de mes futurs projets littéraires. Il fallait, un peu à la Delerm, parler d’une première fois, usant d’expressions culinaires et de nos sens… Bon, étant sur les routes corses à ce moment-là, j’ai complètement dévié de la consigne ! Belle lecture et bon retour ici !
Ma première gamelle de croquettes, mémoires d’un chat littéraire tombé trop tôt dans l’oubli, (et d’un toit parisien mais c’est une autre histoire).
Ma première fois, je m’en rappelle encore comme si c’était 9 fois hier (oui en chat, nous multiplions tout par 9). J’étais si jeune à l’époque, d’aucuns diraient naïf, je croyais que ma fougue féline durerait, qu’elle accompagnerait à jamais mes déambulations nocturnes de fauve (un brin) taciturne.
Chat de gouttière, celles-ci n’avaient plus aucun secret pour moi, ni les égouts, ni les rats — O’siris, quand je repense à leur gros corps poilu qui fait couic quand on les croque… En ce temps-là, déjà adepte d’une certaine sobriété quelque peu forcée, j’avais pris pour habitude de fouiller les poubelles laissées par les habitants du quartier. Ne me jugez pas, la « cueillette » dans les détritus se portait parfois bien mieux que la chasse aux individus : les humains ont une curieuse façon de gaspiller ! En 9 mots comme en 9000, je ne vais pas cracher dans la pâtée, ces déchets m’ont sacrément dépanné.
Toujours est-il que cette nuit-là — oui car j’attendais toujours la nuit pour faire les trottoirs, je suis un chat peut-être, mais je ne suis pas bébête — j’observai à la lueur d’un réverbère un objet étrange, métallique, creux, qui semblait bien bas pour des humains et bien trop petit même pour des chiens.
La curiosité est, paraît-il, un vilain défaut. Sans doute, cela s’applique-t-il pour autant aux félins ? Je m’approchai de ce contenant un peu fantasque — comme apparaît finalement tout nouvel objet aux yeux néophytes — les oreilles aplaties, les yeux rétrécis… Sentais-je déjà le roussi ?
Des effluves me parvinrent, d’un genre nouveau, de ceux qui rendent les requins marteaux. Je ne sus comment ni pourquoi mais tous mes sens s’éveillèrent ! Mes oreilles comme la queue (réflexe félino-physiologique) se dressèrent : était-ce du poulet minet-strone ? Une souris de veau ? Du bœuf Felini ? Il me fallait goûter, tant d’extase sans ecstasy (vous ai-je déjà dit que les humains jetaient de drôles de choses ?)
Je regardai autour de moi : le réverbère faisait son travail de réverbère, en somme, il réverbait… (Certes, ce n’est pas français, mais cette histoire est narrée par un chat, remettez-vous en question).
Ainsi, seule la lumière illuminait le plat que mes papilles convoitaient d’avance : les rats semblaient en grève, les humains plongés dans leurs rêves. J’enfonçai avec une délicatesse teintée de maladresse ma tête près de ce mets aux 9000 promesses. La moustache de droite plus longue que la gauche (sans rapport aucun avec la politique de ce pays) toucha d’abord l’objet de mes désirs. Un peu rêche sous une fine pellicule, douce, texturée, quoiqu’un peu rugueux, l’aliment n’invitait qu’à une seule et même action : croquer !
Ce que je fis aussitôt : explosion de saveurs ! Crevettes ratatinées, nouilles trop gratinées, arêtes plates, patates ratées, ratatouille, rats des villes, ragondins, tête de veau, tartes, vin, exfoliants, excréments — ne jugez pas un chat à la disette — poisson pané, pas frais, tous mes anciens repas s’envolèrent en fumée (fumet ?).
Je dus engloutir le plat en 36 secondes, digne du Finesse des Records.
J’apprendrais plus tard que cet objet du mal pour les félins se nomme une gamelle et ce n’est que lorsque le dernier croc retentit, que ma moustache gauche toucha le fond ; ce contact affreux, métallique, terrible indiquant la fin du délice, que je compris le piège dans lequel j’avais plongé, les moustaches les premières et la queue en arrière.
Adieu chat de gouttière. Vaillant est celui qui goûte au confort d’un lit, au luxe d’une litière, à la beauté d’un collier, à la gamelle toujours remplie, à la panse bien tendue et qui retourne de son plein pédigrée à sa vie de misère…
Je suis maintenant ce qu’on appelle un chat de propriétaire.
Que pensez-vous de cette première fois ? Pour ne rien manquer, cliquez ici !
Excellent!
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Oh merci 🙂 ! Belle journée à toi ! Sabrina.
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