La foire au jargon

Bonjour à toi, je reviens enfin par ici alors que je m’étais promis plus de régularité sur le blog… Va falloir vraiment songer à s’organiser un poil mieux ma chère si tu veux percer dans la bulle littéraire ! Surtout qu’il y a du nouveau, l’autoédition de mon recueil avance à grands pas ainsi que les autres projets, je t’en parle bientôt (en l’an 2033) hihi, en attendant, si tu ne t’es pas procuré La complainte du belzébuth, c’est par là, une pièce courte et pratique à fourrer dans un sac de plage, qui ne prend pas l’eau (à vérifier tout de même)… Trêve de foin, aujourd’hui, je te partage un texte écrit dans le cadre de l’atelier d’écriture de ma ville qui devrait bientôt se refaire en présentiel, ce qui confère quand même une atmosphère plus douillette que derrière son Machin Tosh. La consigne était de créer un dialogue un peu absurde entre un professionnel et un non-initié, où bien entendu le novice en la matière n’y entend rien justement… J’ai bien évidemment pensé au sketch des Inconnus « Les langages hermétiques » dont voici un extrait, que j’ai dû regarder un bon millier de fois dans ma prime jeunesse. Et quoi de mieux pour jargonner, que d’aller piocher dans mon cher métier, où les sigles, les définitions à rallonge ne manquent pas de nous éblouir chaque jour ! Voici donc ma foire au jargon, sauras-tu traduire en langage compréhensible par l’être humain ces inquiétudes d’institut… pardon, de professeure des écoles ? Spoiler : ceci est un texte à visée humorisitique, et insiste donc sur l’aspect sarcastique d’une caractéristique diabolique de notre métier tragico-comique, en gros, passe ton chemin, Melle polémique 🙂 ! Et belle lecture bien sûr !

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— Bonjour, maîtresse.

— Professeure des écoles, je vous prie.

— Euh, oui, pardon, bonjour, madame… professeure des écoles. Vous m’avez convoquée aujourd’hui pour…

— Invitée, non convoquée, excusez-moi d’être précise.

— Invitée, bien, pardon, pour mon fils…

— Oui, pour votre enfant, attention, nous ne souhaitons pas genrer nos élèves et perpétuer par là même des traditions sexistes ancrées profondément dans les mœurs contemporaines malgré les infimes et faibles avancées progressistes de non affiliation des êtres humains basée sur une différence de chromosome Y, ou Z.

— Mon enfant, enfin, Jordan, c’est pour le sport que je suis ici ?

— Ah non !

— Pas pour le sport ?

— Non, pour l’EPS.

— Ah, bien sûr. C’est-à-dire que je sais qu’il n’est pas très à l’aise pour nager…

— Alors, c’est vrai qu’en termes de compétences pour se déplacer dans un milieu profond standardisé, celles-ci ne sont que partiellement acquises, mais qu’en l’état, il n’y a pas lieu de se sentir préoccupé par la non-atteinte de ces objectifs à court terme dans le cadre de situations d’apprentissages évolutives. Grâce à la remédiation de l’intervenant extérieur, votre apprenant, pardon, votre enfant, stabilise peu à peu sa flottaison horizontale en position ventrale et dorsale… donc nul besoin de froisser le sourcil gauche ou droit sous le poids de l’inquiétude… Non, c’est plutôt au niveau de l’activité duelle de débat médiée par un volant que j’ai constaté des troubles cognitivo-moteurs de la perception, au moment de renvoyer le volant avec l’intention en situation favorable, surtout qu’il n’est pas aidé au moment de créer de la vitesse…

— Euh, mais, euh… c’est grave ?

— Grave, c’est une acception un peu stigmatisante pour l’apprenant en situation de non-réussite, mais cela ne devrait pas non plus vous forcer à rajouter une nouvelle ride du lion sur votre front déjà rempli horizontalement de marques latentes d’un temps empreint d’angoisse. De toute manière, la période s’achèvera sur l’activité de déplacement d’un support flottant sur un fluide.

— Déplacement… de fluide ?

— Je crois que c’est suffisamment clair pour que nous puissions nous attarder sur le véritable objectif de notre entrevue dualisée sous couvert du chef d’établissement et de son enseignante référente, c’est-à-dire moi-même. Au niveau des champs disciplinaires, là où mes interrogations pointent le bout de leur nez, c’est que les prérequis de votre apprenant, pardon, enfant, ne suffisent pas à mettre en œuvre une stratégie de recherche, et ainsi à entrer en interactivité et en interaction avec le groupe-classe, sans craindre une surcharge cognitive, même en s’appuyant sur un étayage et aiguillage par le personnel en charge, c’est-à-dire moi-même…

— C’est-à-dire ?

— C’est-à-dire que malgré l’anticipation des obstacles possibles et l’élaboration de stratégies pour les lever, la mise en place d’un PAP*, d’un POP, l’intervention du RASED* et du RASTOU, la sollicitation d’ATSEM* et d’ATCHOUM, la lecture de mythes d’ULIS* ou d’albums de ZEP*, votre apprenant, pardon votre enfant, ne parvient à induire tout sens dans une masse langagière et de s’approprier lors de la phase d’institutionnalisation la situation d’apprentissage en cours.

— Excusez-moi, ce n’est pas très clair…

— Comment ça, ce n’est pas clair ? Vous avez un outil-scripteur ?

— Un… outil… scripteur ?

— Oui, un outil-scripteur, de type stylo à bille, ou encre.

— Ah, oui, bien sûr, euh, tenez…

— Pour faire clair, votre fils est con ! Votre enfant pardon !

* Ceux-là ils existent vraiment : PAP Projet d’Accompagnement Personnalisé / RASED Réseau d’AIDE Spécialisé aux Elèves en Difficulté / ATSEM Agent Territorial Spécialisé d’Ecoles Maternelle / ULIS Unité Localisée pour l’Inclusion Scolaire / ZEP Zone d’éducation prioritaire

Alors, t’as pas tout compris ? C’est normal, moi non plus ! Mais abonne-toi pour les prochains textes, promis, je ne jargonnerai plus !

Crédit photo : mijung Park de Pixabay

14 réflexions sur “La foire au jargon

  1. Bon jour,
    Excellent, comme toujours 🙂
    Alors que le dialogue de l’enseignant s’impose par effet dévastateur à l’incompréhension de la pauvre mère les derniers mots sont flambés et balancés par la catapulte du raccourci … 🙂
    Bonne soirée 🙂
    Max-Louis

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  2. ah ah, je ris encore ! C’est hélas ce qui se passe souvent. Ancienne prof des écoles ( même si lorsqu’on tombe dans la marmite de la soupe Enseignement, on n’en sort pas.;) et j’ai pu éprouver ce genre de jargon qu’emploient certains pour noyer leur incompétence. En tout cas la chute est géniale. Voilà une bonne cliente pour ma Marguerite, flingueuse de cons ( en cours d’écriture), et comme tu dis, ma copine Régularité me fait des infidélités sur mon blog.

    Aimé par 1 personne

    1. Hâte de rencontrer ta Marguerite ! Je ne savais pas que tu avais été prof des écoles ! C’est présentement mon intitulé de métier 🙂 ! Oui, la marmite est large et copieuse, avec ingrédients différents certes, mais toujours avec ce goût… de l’enseignement 🙂 !

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