A trois jours du gong, je produis le texte de septembre pour le Zodiac Challenge ! J’ai dû avancer et (légèrement tarter) la cadence pour rattraper les 7 mois de retard, mais j’y suis arrivée ! Maintenant, je vais pouvoir passer plus de temps à l’écriture chaque mois car je serai dans le même wagon que mes compagnons de challenge ! Fiou, comme quoi, faut jamais se laisser abattre ! Je reviens avec un texte concocté entre deux cours où il fallait choisir entre : avant internet / parler tout seul / calme/ rouge. Bon, encore une fois, je suis sympa, tout est dans le titre, du moins le choix, car pour le reste, va falloir lire les cocos ! Bonne lecture à vous, je vous retrouve en commentaire. N’oubliez pas d’aller fouiner sur Agenda ironique de septembre 2019, textes et votes pour découvrir tous les textes ainsi que ma participation à l’agenda ironique (parce que je suis un peu dingo et que j’aime faire plein de défis en même temps) et sur tous les textes du Zodiac pour lire les règles et vous lancer comme ici Atlantides
Mon nom est Rouge. Oui, comme la couleur. Ça aurait pu être pire. Mes parents voulaient m’appeler Rouge-Gorge, parce qu’il paraît que j’étais si petite, et toute rosacée. Mais à la maternité, ils ont dû leur faire des gros yeux, car ils ont opté pour Rouge tout court. Me demandez pas pourquoi ça passe mieux au nom de l’administration. Si j’étais née en Angleterre, je leur aurais sans doute pardonné, parce qu’en vrai Red, ça claque dans l’air, ça envoie, ça en jette. Comme quoi, ça tient pas à grand-chose une vie, juste à un bout de Manche.
Mais mes parents, ils ont jamais bougé de leur patelin, une ville si moche que même un GPS il nous trouve pas. Les seules fois où ils en sortaient, c’était pour aller dans la forêt voisine chercher des châtaignes le dimanche. Mais même si vous vous y connaissez pas trop en châtaignes, vous savez que y en a pas toute l’année, ni tous les dimanches. J’ai jamais compris cette fascination viscérale pour la châtaigne, ça frisait le ridicule. Mais ridicule ou pas, hors de question que je coupe à la tradition et les jours de sortie, je pouvais oublier les copains, le scooter et les après-midis à rien glander. Je pouvais pas, j’avais châtaigne. Toute façon, j’avais pas vraiment de copains.
Disons que ça a pas facilité mon intégration. Et puis Rouge, dans la cour de récréation, ça fait sensation. Les Charlotte, les Louise, les Emma pouvaient se lâcher et cracher des insanités, pour se venger du manque d’originalité de leurs géniteurs. Elles aimaient pas que les profs les appellent Emma B ou Emma C, comme un vieux remake de Spice Girls. Alors, elles dégobillaient leur absence de personnalité, et dégueulaient leur besoin de singularité en me jetant à la tête toutes les horreurs que le rouge leur inspirait. T’as encore tes règles, Rouge ? Regardez, c’est la marée Rouge ! Encore une mauvaise note, c’est normal, t’as une mémoire de poisson rouge ! Vieux piment ! Sale tomate ! Tomate est resté toute ma scolarité, il faut dire qu’en plus de ça, j’étais un peu rondelette. C’est fou ce que les ados qui manquent cruellement d’imagination sur une écriture d’invention, en retrouvent soudainement dans la cour de récréation. Quelle que soit la pauvreté des insultes, qu’ils osaient appeler « trouvaille », je devenais rouge pivoine, ça ne s’invente pas. Un jour au lycée, en sortant d’histoire-géo, une du clan des Charlotte, me siffla à voix basse que j’aurais dû terminer comme les Khmers. Elle avait pour une fois, écouté le cours en entier. J’étais partie en courant et en pleurant dans une boutique spécialisée. Je m’étais teint les cheveux en bleu, pour qu’on arrête avec cette obsession du rouge. Ma mère m’avait aussitôt menacée avec une tondeuse, et m’avait envoyée chez sa copine coiffeuse pour recouvrir ma tête d’un infâme marron aussi fade que leurs foutues châtaignes.
— Quel est mon nom ?
— ROU… ROUGE !
— Comment je m’appelle ?
— ROUGE !
— J’ai pas bien entendu ?
— S’il te plaît, arrête, je t’en prie, je t’en supplie, j’étais qu’une gamine, je regrette…
C’est le moment que je préfère, quand on sort le joker de la jeunesse. Parce qu’être gamin, ça vous autorise à être un peu tout, un égoïste, un petit con, un monstre. Elle pleure, je vois sa morve qui se répand sur sa jolie chemise jaune pâle. Enfin, qui devait être jaune pâle, elle est d’un rouge vif maintenant. La douleur lui tord les traits, c’est fou ce que les Louise perdent de leur charme et de la dignité, une fois éloignées du cercle des reines de beauté. Elles sont si naïves et romantiques. Si faciles à berner. Je crois qu’elle s’est fait un peu dessus. C’est tellement mignon, j’en ai presque pitié. Elle s’était fait jolie pour ce rendez-vous secret. Elle pourrait presque paraître spéciale. Mais elle est comme les autres, une poupée dégonflée, qui s’épuise à supplier, à espérer. Pathétique pantin. Et qui finira, couverte de sang séché, au pied de ce beau châtaignier.
Ça tient pas à grand-chose une vie, si seulement on m’avait appelée Rose.
Cette nouvelle a été remaniée et éditée dans mon recueil BREAKING NEWS. Pour la redécouvrir sur papier, il n’y a plus qu’à commander !
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Salut Sabrina,
chouette nouvelle qui fait froid dans le dos et à la fin inattendue. J’ai bien aimé le côté fruste du personnage et sa manière de s’exprimer. » Je pouvais pas, j’avais châtaigne » m’a fait rire – excellent!
Peut-être aurais-tu pu en rajouter un tout petit peu sur les autres couleurs bleu, jaune, marron?
Sinon « au nom de l’administration » m’a semblé bizarre comme expression… Peut-être que « pour l’administration » serait mieux?
A bientôt et bonne écriture!
Sandrine
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Bonjour Sandrine ! Et merci pour ton commentaire ! Ta réflexion sur les couleurs est intéressante, je n’y avais pas songé du tout, à vrai dire, je voulais rattraper le challenge, et quand j’ai trouvé ce fil rouge (eheh), j’ai tiré au maximum ! Merci pour le nom de l’administration, je l’ai changé direct, dans ma tête c’était « aux yeux »!!! Comme quoi, entre ce qu’on lit et ce qu’on pense, c’est le grand écart ! Merci pour ton retour, et à très vite sur ton blog ! Belle écriture à toi, Sabrina.
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Bon jour Sabrina,
La cruauté est dans les deux camps. Cela met en évidence le mot pardon. Faut-il pardonner ? Rien n’est moins simple quand on est victime…
Le tout est bien mené … cependant, la transition est abrupte entre le paragraphe d’une narration du passé à celle du présent. Est-ce voulu ? 🙂
Max-Louis
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Bonjour Max-Louis, je suis tout à fait d’accord avec toi, l’histoire m’est venue sans crier gare dès que j’ai écrit « mon nom est rouge », j’ai laissé couler, sans jugement, et au final, je me pose la même question que toi ! Oui, tu as raison, c’est un peu abrupt comme transition, c’était un fait exprès, mais peut-être l’est-ce trop ? Je vais m’y pencher. Merci pour ton retour éclairant ! Vive octobre :)! Sabrina
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J’ai bien aimé ! Je reviendrai 🙂
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Eheh… J’espère bien ! (faut pas hésiter non plus à dire ce qu’on a moins aimé, je sors d’un an de formation où on s’épaulait en pointant les failles d’une nouvelle, ça a rudement aidé 😉 ! Belle journée à toi, Sabrina.
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