Dunes d’émotion (Agenda ironique de septembre)

Ah la Bretagne, ses galettes, son sel, son cidre, ses criques, ses falaises, sa pluie ! Nous croyions y échapper, on peut dire qu’on prend une sacrée saucée depuis hier soir ! Mais l’un des avantages non négligeables quand on a pas investi dans un méga ciré, c’est que ça invite forcément à gratter du papier ! Alors, me voilà à 2jours du délai, à proposer ma toute première participation à l’agenda ironique du mois de septembre proposé ce mois-ci par Chachashire. Le principe est simple et sympathique : chaque mois, un blog est désigné pour proposer un exercice d’écriture avec certaines contraintes (qu’on applique ou pas) pour libérer la créativité ! Après, y’a des votes apparemment, mais j’avoue que je ne suis pas bien sûre du quoi qu’on vote, vu que c’est mon premier texte que je jette dans la fosse ! Alors, pour cette consigne, y’avait pas mal de choses, une révélation dans l’actu dont les conséquences sont inévitables au moment de leur révélation, y’avait une histoire de guéridon et de tabou imposés avec des antonymes en mot-valise rimant avec triomphe, y’avait de la joyeuseté et de la sensualité demandés… Tout est plus clair ici : Agenda ironique de septembre 2019, sujet Je ne sais pas si j’ai réussi l’exercice, mais j’ai fait de mon mieux, bonne lecture à vous, n’hésitez pas à partager votre avis sur la chose, et à visiter ces sites pour découvrir de forts jolies plumes, ou pour y frotter la vôtre ! Voici le lien avec toutes les contributions, « viendez » les parcourir et voter pour vos préférés, ça « trucule » pour de vrai ! Agenda ironique de septembre 2019, textes et votes

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— Absolument charmant ! 

— Incroyable pays !

— Un délice ! Et les gens ! D’une gentillesse féroce ! Vraiment, je n’y aurais pas cru au départ ! Mais quel séjour, quelles splendeurs ! 

— Sacrée aventure !

— Et ces gâteaux ! Et ces djaw.. gie…wya… zya ! Encore un de leurs noms imprononçables ! Mais un vrai régal !  C’est toujours trop court !

— Et puis, quel succès !

—Tu te rappelles de Youssef ? 

— Le portier ?

— Mais non, nigaude, le porteur ! 

— Oh Youssef ! Évidemment, je crois bien qu’il avait des vues sur toi… 

— Qu’est-ce que tu me chantes ? C’était de la prévenance, c’est tout… c’est fou ce sens de l’hospitalité… 

— Enfin, à moi, il m’a pas laissé de mot sur son guéridon…

— Tu parles d’un mot, c’était  si mal écrit !

— Il n’empêche que c’était on ne peut plus clair…

Hélène ne sait plus où se mettre. C’est vrai qu’elle y avait songé à ce fameux guéridon, et ce qui pouvait s’y passer, dessous ou dessus. Le guéridon, la seule table qui possède un don, celui de guérir la solitude.

— Faut toujours que tu ramènes tout à la chose.

— A la chose me dit-elle ! Voilà qu’elle fait sa prude à plus de 40 piges ! Ca devrait plus être tabou ces maudits ébats ! Passe à l’action ! Tu as déjà tout connu dans ta vie : le permis de conduire, de construire, le permis de séjour, de travail, il te manque celui de la chasse ! La chasse au mâle ! Le permichauffe ! La licencesbroufe !

Ca y est, Carole commence à inventer des mots.

— T’as plus l’âge de faire la religieuse ! Ou alors… l’amante religieuse ! Lâche-toi for fuck’s sake ! Tu comprends ce que je veux dire ?

Et voilà qu’elle pérore en anglais. Elle comprenait totalement ce qu’elle voulait dire.

— Merci, j’ai fait LV1 anglais, il y a 25 ans de ça. Mon dieu, 25 ans ! Je suis un véritable chameau. Je vais au duty-free me chercher du chocolat, je sens monter la déprime là.

— Non, ma vieille, j’ai bien mieux que ça… Reste ici, et pense au sable brûlant et au corps chaud du…

Elle lui fait les gros yeux pour qu’elle déguerpisse. Elle n’ose pas penser au beau Youssef, et toutes les possibilités que son sourire offrait.

Carole revient 20 minutes plus tard, chargée d’une bouteille de vodka.

— Mais qu’est-ce que t’as foutu ?

— J’ai une bonne, et une mauvaise nouvelle.

Ca ne lui plaît pas du tout.

— Notre avion aura… un peu de retard.

— Quoi ! Comment ça ! Combien de temps ?

— Ils ne savent pas trop, ils n’ont pas vraiment d’information. Ils sont peut-être en train de troquer un réacteur ou négocier le diplôme du pilote.

 — Franchement, faire une blague à une heure pareille ! Qu’est-ce qui se passe sérieux ? Tu sais que j’ai une importante réunion demain et qu’il faut que je la prépare ce soir !

Hélène se met à transpirer à grosses gouttes. L’image de Youssef près du guéridon s’effrite déjà devant le Powerpoint qu’elle doit concevoir pour le lendemain. Quelle connerie de partir dans l’oued, dans le bled, ou dans tous ces trucs en « ed » à la veille du plus grand meeting de sa vie. Quelle idiote ! Tout ça pour s’empiffrer de sucreries qui finissent automatiquement sur ses hanches sans passer par la case départ, et qui sont même pas si bonnes au final. Et pour se pavaner sur un chameau ou un dromadaire, elle savait même plus la différence, toute façon, c’est inconfortable comme tout, ça vous rentre dans les fesses et vous vous sentez obligé de sourire au guide qui vous regarde avec l’air énamouré d’une araignée qu’a pas vu une mouche depuis des lustres. Parlons-en des moustiques ! Ils vous sucent le sang comme des saletés de vampires, qui agissent jour et nuit comme un opérateur téléphonique pour vous pourrir un séjour où vous êtes censé être au calme mais vous pouvez pas méditer une seule seconde, car dès que Choprak ou un autre théoricien du bonheur vous murmure dans les oreilles, il y a un con d’insecte qui vous bzzbzzite les tympans ! Et les paysages ! Ah oui, c’est majestueux les dunes, c’est impressionnant mais toute une semaine, merci du dépaysement, on fait même plus la différence entre le Pilat et le Sahara ! Et on se bouffe ce sable dans la tronche toute la journée pour finir sous une tente où on peut même pas fermer à clé, ni trouver une prise pour se brancher !

Mais quel calvaire, quel enfer, quelle plaie ! Son t-shirt marchandé à une centaine de dinars est trempé. Ca lui gratte les aisselles. L’Algérie l’étouffe, l’oppresse, la stresse, elle veut retrouver Paris, son Paris avec des gens normaux qui sourient pas comme des cons, qui vous tordent pas les boyaux avec des cafés imbuvables et des pois chiches, des trottoirs pleins de chiens, et même leurs crottes, les klaxons, les saletés de trottinettes, le cinéma et ses tarifs exorbitants, son patron et même cette faux-cul de Paulette qui se fait un malin plaisir de lui servir un thé 30 fois trop sucré. Elle rêve d’une trottinette. Elle promet de plus gueuler sur les trottoirs.

— C’est quoi la bonne nouvelle ?

— Hum… en fait, XL Airways est en faillite… on va donc rester ici plus longtemps que prévu…

Elle s’affaisse.

— Passe-moi ta bouteille de vodka.

Elle savait bien qu’il fallait jamais faire confiance à une compagnie qui porte un nom de chewing-gum. Ça vous colle, ça vous glue, ça vous cloue au sol.

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crédits photo : Sand Dunes by Sabrina P.

 

24 réflexions sur “Dunes d’émotion (Agenda ironique de septembre)

      1. juin, c’est pas loin de septembre (à vol d’oiseau !) tu peux débloquer octobre qu’une fois le mois d’avant achevé… mais tu as accès aux sujets tout de même, si d’aventure, certains sont plus inspirants que d’autres ! 🙂 Belle journée à toi, Sabrina !

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    1. Bonjour Béa et merci pour ta visite ! Je suis toujours ravie de pouvoir échanger avec toi, car tes avis ont été éclairants l’année dernière, n’hésite pas à continuer ici, rien n’est figé sur le clavier, et tout est bon à être amélioré ! Comment se passe ton projet d’atelier ? C’est simple, je vais aller regarder sur ton blog. belle journée à toi, je penserai au one-woman show, sait-on jamais 🙂 Bises, Sabrina.

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  1. Salut Sabrina,
    Contente d’être venue faire une petite pause chez toi. Je découvre ton récit et j’y retrouve ton humour, tes jeux de mots, ceux que tu inventes, et tes tournures de phrases à multi-sens. Comme l’image de Youssef qui s’effrite devant le powerpoint de sa présentation. Mouhahaha « l’air énamouré d’une araignée qui n’a pas vu une mouche depuis des lustres » Je trouve sympa et dynamique de commencer par un dialogue mais j’ai juste eu un peu de difficulté à situer les deux dames, savoir où elles étaient. Pas tant niveau géographique, mais plus étaient-elles à l’hôtel, dans le taxi, puis j’ai finalement compris qu’elles étaient à l’aéroport (comme d’hab, je comprends vite mais faut m’expliquer longtemps). La chute est un délice. Bon début de semaine à toi!!

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    1. Coucou Christelle et merci de ton passage, c’est un plaisir de pouvoir continuer à échanger par blogs interposés 😉 ! Oui, cetait faut exprès à ces dire car je voulais garder le suspense entier jusqu’au plus loin… j’espère que ça ne t’a pas déroutée et que tu reviendras par ici quand tu en as le temps … et l’envie belle soirée à toi, bonne route pour tes écrits que je suis toujours oui oui !

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    1. Merci Eve, en effet, c’est du pur pétage de plomb, la consigne pour le texte n’était pas facile, et j’ai essayé de produire un texte en fonction, ces deux copines sont apparues à moi sur leur chameau 🙂 ! Belle soirée à toi, Sabrina.

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  2. Ton style est vraiment unique. Quel régal ! Où vas-tu chercher tous ces jeux de mots ? Tu travailles pour en arriver là ? ou c’est inné ? encore un grand bravo pour cette nouvelle ! bises

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    1. Merci Nadine pour ce chouette commentaire ! Ecoute, je m’amuse énormément à chaque nouvelle écriture, je me permets certaines libertés, et parfois, c’est pas trop mal même si on peut toujours améliorer. Mais le temps, le temps ! Bises à toi, au plaisir de découvrir ta future nouvelle.

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  3. Hello Sabrina,
    J’arrive enfin chez toi et quel plaisir de retrouver ton écriture si singulière ! Il y a du mordant, du tordant, un vrai régal ! On ne s’ennuie jamais. À te lire, les jeux de mots semblent tellement faciles. Je t’envie vraiment. Depuis EL, je cherche cette auteure américaine à laquelle tu me fais penser et je viens seulement de retrouver son nom ; Lisa Lutz. Je ne sais pas si tu la connais mais son humour est tout aussi décapant.
    Concernant la Bretagne, je t’invite à investir dans une paire de bottes et dans un ciré, car si tu as prévu d’y rester, je t’assure, cela ne va pas s’arranger 😁
    Au plaisir de lire tes prochaines aventures. À bientôt. Stéphanie.

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    1. Bonjour Stéphanie ! Et merci beaucoup pour ce très joli message ! Ca tombe à pic, car en ce moment, je suis plutôt busy busy, en Angleterre, et parfois, on se demande quelle est la finalité de tous ces écrits… Et là, ça me rebooste carrément ! Je ne connais pas cette auteure, mais je vais me faire un plaisir de pallier mon ignorance ! Merci pour lé référence en tout cas ! DU coup, je repars vivre quelques mois à la montagne, j’ai donc investi en un ENORME manteau, à chaque région ses impératifs ! Je retourne très vite du côté de tes nouvelles. Belle journée, Sabrina.

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