Une ombre se déplaça dans la chambre bercée par la chaleur d’un beau mois d’août. L’homme, qui accusait l’âge et l’hydromel, toussota. Gêné, il attendait, ne sachant trop où poser ses yeux noyés de chagrin et d’alcool dans cet amas de trésors qui truffaient la pièce. La tête posée sur un oreiller fourré de pépites bougea enfin.
— Que faites-vous là, Frère ?
— C’est Marianne qui m’envoie, son état se dégrade à vue d’œil. Elle craint que sa fin ne soit proche.
— Balivernes ! Elle a toutes ses dames auprès d’elle ! Et le meilleur des apothicaires à son chevet. Ne faites pas le Jacques voyons !
Frère Tuck se détourna pour ne plus voir ce compagnon qu’il ne comprenait plus. Comment en étaient-ils arrivés là ? Il tut ses amères pensées et se retira, laissant son ami, aussi vide et froid que sa chambre. Il s’enfuyait retrouver son unique et fidèle compagne, qu’il buvait à l’abri des regards et des arbres de Sherwood.
Robin jurait comme un templier à présent. Pour qui se prenait-il ce frère en toc ? Le regard de son comparse ne lui avait pas échappé. Il lui faisait la morale, le malotru, alors qu’il en profitait joliment de ses pierreries ! Il ne s’offusquait pas quand elles lui servaient à nourrir sa famille d’affreux affamés ! Il s’extirpa du lit.
Alors quoi, c’était lui le méchant maintenant ! Avec tout ce qu’il avait fait pour le comté et pour ces laissés-pour-compte !
Cet aigri qui osait, sans une parole, lui lancer des reproches ! Il oubliait bien vite la belle vie qu’il leur avait offert à tous, sur un plateau… d’or !
Il fit courir son doigt sur un vase qui renfermait de nombreuses piècettes. Il fulminait. M’enfin ! Il avait été pauvre lui aussi ! Pourquoi n’aurait-il pas profité de cette abondance ?
Tout avait commencé, petit à petit, pierre après pierre. Les rocailles s’étaient changées en joyaux : c’est qu’il lui fallait épater Marianne. Puis sa demeure s’était bien agrandie, les tiroirs bien emplis. C’est qu’il fallait anticiper le jour où Marianne lui donnerait des héritiers. Et on osait le réprimander, pour un excès de prévoyance ?
De toute manière, il aurait toujours le mauvais rôle. Certes, Saint Jean Terre était idiot, il n’aurait jamais dû toucher aux impôts.
Mais on n’allait pas lui reprocher à lui de gagner ses éperons ! Il se serait acoquiné avec les plus grands au détriment des plus pauvres, paraît-il ! Oh, il les entendait, il les voyait, il les sentait ces gueux quand il arpentait les pavés de Nottingham. Les regards des chalands glissaient avec dégoût sur la mine du shérif nonchalant, cramponné à son bras. Ils ne comprenaient pas, ces imbéciles, que ce n’était qu’une mascarade. Cette camaraderie leur permettait, à tous ces clampins pouilleux, de ne pas être embêtés dans leurs chaumières. On lui jetait la pierre, mais c’est au cachot qu’ils seraient ces misérables miséreux, si ce n’était par amitié. Depuis qu’il côtoyait les notables les plus notoires, le village vivait en paix tout de même !
Robin oubliait les estomacs qui grouillaient sur son passage, les familles qui s’effritaient dans son sillage.
Fichtre, que les gens étaient ingrats. Ils s’engraissaient grâce à lui et le fustigeaient gaiement. Pour quelques gravures gardées. Quelques bijoux trop brillants, quelques bibelots trop bruyants… Des breloques ! A les entendre, il faudrait tout redistribuer ! N’avait-il pas déjà, bien assez contribué ? Au fond notre héros n’avait jamais cessé d’aider les autres, il avait simplement commencé à céder un peu plus à… lui.
Cette nouvelle a été éditée dans mon recueil BREAKING NEWS. Pour voir si notre Robin revient à la raison, il n’y a plus qu’à commander !

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évidemment, à force d’offrir des solitaires on se retrouve bientôt tout seul…
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Certes, triste sort pour Robin qui pensait avoir tout et n’a finalement plus rien 🙂
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Quel symbole : des diamants face à un solitaire……. Tout est dit !
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